Le jour où Göring se fit la belle.
Hier, sur la 2, un mauvais documentaire sur les derniers jours de Göring. J'écris « mauvais », car il véhiculait tous les poncifs, les idées creuses et les slogans convenus sur le national-socialisme et ses dirigeants.
Ne croyez pas à la lecture de ce qui précède que j'éprouve une nostalgie ou une sympathie particulière pour ce régime. Pas du tout ! Mais l'Histoire est écrite par les vainqueurs , cela fut toujours ainsi et le restera tant qu'il y aura des hommes.
Göring a eu le tort de ne pas se suicider tout de suite, cela lui a coûté des mois d'emprisonnement humiliant et une fin rocambolesque. Il s'imaginait, à la fin du conflit, être reconnu comme dauphin du Führer et adoubé en tant que tel par les anglo-américains en quête d'alliés dans leur lutte contre les communistes. Erreur funeste, due à cet orgueil bouffi qui lui faisait croire qu'il avait plus d'importance qu'on ne lui en prêtait. En fait, depuis 1943, il ne représentait plus que qui-même, ce qui n'était plus grand chose.
En prison, l'homme se transforme, sevré de morphine, il reprend du poil de la bête et du mordant, se conduit en chef de ce qui reste de la garde rapprochée d'Hitler, et se heurte, parfois avec succès, à la discipline sévère instaurée par le colonel américain, son geôlier, petit plouc inculte, tatillon et dépassé par la tâche.
Le procès de Nuremberg fut une parodie de justice, tous les juristes vous le diront.
Il aurait mieux valu suivre le conseil de Churchill, et passer tout ce beau monde par les armes sans autre forme de procès, c'eut été honnête, mais non ! il a fallu monter un grand spectacle comme les Américains et les Soviétiques le voulaient et exhiber les trophées de chasse sur la place publique.
Les accusés l'étaient en vertu de faits qui n'étaient pas qualifiés avant le procès (crimes contre l'humanité et la paix !...); en vertu de la non-rétroactivité de la loi pénale, principe retenu par toutes les nations civilisées, on ne pouvait déjà pas les poursuivre pour cela. Mais passons, il fallait les juger et les condamner, ce qui fut fait.
Göring fut condamné à mort, ce qui était tout-à-fait dans l'ordre des choses vu la position du personnage sur la scène national-socialiste. Speer, très malin, n'écopa que de vingt ans, alors qu'il avait instauré le Service du Travail Obligatoire, en opposition totale avec les conventions internationales qui régissent la guerre et acceptées par les nazis. Mais que valent les « lois de la guerre » dans le bruit des bombes et l'odeur du sang ?
Quelques heures avant son exécution, Göring se suicida en avalant une ampoule de cyanure de potassium. Comment cette dernière pénétra-t-elle l'enceinte si surveillée de la prison de Nuremberg ? Le documentaire brode autour des relations de sympathie qui se nouèrent entre un lieutenant américain et le feld-marschall et laisse entendre que l'Américain lui aurait apporté (en contradiction avec le règlement) le contenu d'une mallette et que dans cette dernière se trouvait cachée l'ampoule fatale.
Il y a quelques années, un Américain, garde à la prison, écrivit, peu avant de mourir, qu'une femme allemande, avec laquelle il avait des « relations », lui avait demandé de donner à Göring un stylo avec lequel, ajouta-t-elle, il aimerait écrire ses dernières lettres. Le garde s'exécuta en douce. Puissance des femmes ! L'ampoule se trouvait dans le stylo.
A Nüremberg, on ne jugeât, bien sûr, que les crimes de guerres des Allemands. Les Alliés n'en avaient commis aucun !
Peu à peu, des historiens d'un peu partout s'attaquent à ce qui, longtemps, fut un tabou. L'Anglais Antony Beevor, dans son opus sur la bataille de Berlin évalue à un million cinq cent mille femmes
allemandes violées par les Soviétiques. Le bombardement de Dresde, qui le fut dans le but de « terroriser la population civile », fit près de cent mille victimes (Hiroshima n'en fit « que » quatre-vingt mille sur le coup). Les bombardements aveugles des villes allemandes ou françaises le furent en contradiction avec la convention de Genève qui interdisait de prendre des objectifs civils comme cibles.
Les Allemands des Sudètes, de Poméranie, de Tchèquie, de Hongrie et de Roumanie, furent, en raison d'un « nettoyage ethnique », expulsés de ces pays où ils vivaient depuis de siècles.
Douze millions au total furent déportés. Qui en parle encore ?
Mais à quoi bon ? « Malheur aux vaincus » ! Il faudra, je pense, encore un ou deux siècles avant que l'on ne puisse écrire une histoire « objective » du 3em Reich et de la guerre.
Mais d'ici là, où seront passés les archives, et qu'en restera-t-il ?