Disneyland, la France de Sarkozy...

Publié le par Ali

http://punctum.blog.lemonde.fr/2009/12/04/le-clip-ump-ou-les-splendeurs-de-limaginaire-americain/
04 décembre 2009

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Nouveau poste de douane français …

En plein débat sur l’identité nationale, l’Ump repeint la France aux couleurs de l’Amérique… délicieux lapsus… En effet, au moment de lancer sa campagne pour la reconquête des terroirs, l’UMP produit un clip à usage interne qui reprend des images achetées à une banque d’images en ligne, Getty Images, parmi lesquelles le précieux Yann Barthès et son équipe ont repéré des vues d’Amérique présentées comme des images du terroir de France transfiguré par les bienfaits de la politique sarkozyste. Très significatif… Une grand mère calinant sa petite fille sur une place de village est en fait une certaine Pamela vivant en Californie…

 

source : Canal plus

Passé l’éclat de rire que provoque ce film , qui ressemble bien plus à une publicité pour un parc d’attraction qu’à un discours politique illustré, on peut s’interroger sur le sens à donner à ce magnifique lapsus visuel… qui en dit long sur l’amour qu’une certaine frange de l’UMP porte à ce beau pays de terroirs dont l’identité est mise à la question… (et je ne citerai même pas les propos très révélateurs de ce bon disciple de Brice Hortefeux qu’est le sémillant maire de Gussainville)

Deux remarques me viennent ; l’une concerne le délire des images et l’autre porte plus spécifiquement sur le lapsus visuel que constitue l’emprunt d’images américaines.

Disons-le tout de suite, cette vision Disneyenne de la France n’a pas plu à tous les représentants UMP présents à la réunion, et selon le Post.fr, certains élus ont bien ri, d’autres ont ainsi commenté cette réalisation audiovisuelle :“Franchement, ça avait un côté ‘L’UMP au pays des Bisounours”… On ne peut que souscrire à cette fine analyse d’image.

Ainsi, quelques jours après un splendide discours d’autocélébration qui a enflammé la city, voici la version imagée du déni de réalité que représente la parole sarkozyste… Un rêve éveillé, un délire narcissique devenu institution, une application collective de la méthode Coué qui trouve sa limite et s’évanouit quand une parole se libère enfin pour dire ce que tout à chacun voit ; le roi délire, il se croit “au pays des bisounours”, il prend au sens propre ses rêves pour des réalités… Ou plutôt, on lui présente ses rêves comme des réalités… Dans cette situation, deux possibilités s’offrent à ceux qui sont capables de voir l’écart entre la représentation donnée de la France, et la réalité vécue en France… se taire ou se révolter devant ce déni qui est une insulte faite aux regards… Certes, il s’agit d’un clip promotionnel et une certaine dose de vantardise et d’embellissement est acceptable, c’est la règle du genre, mais quand cette vantardise dépasse un certain seuil, quand elle nie à ce point le réel, quand elle ment aussi ostensiblement, quand elle semble à ce point présupposer que les regards se soumettront docilement à son délire narcissique, elle devient de l’abus, de l’asservissement et prend un caractère agressif que seul le rire peut évacuer. C’est une énorme blague se dit-on en regardant ces images, même si l’on partage les idées politiques du Grand Réformateur de la France, on ne peut que se sentir humilié par l’outrecuidance de ces images qui relèvent plus du fantasme, d’une toute puissance de l’imaginaire que de la vision politique ou de la simple vision…

Ne rien répondre à un vantard, c’est consentir à son imperium et d’une certaine façon se soumettre… Les images peuvent agresser les regards si elles leur présentent des vessies pour des lanternes et les privent d’une parole, or, étrangement, plus quelqu’un délire et plus il devient difficile de le contredire, car la violence de son déni nourrit la violence du retour au réel… et l’on prend peur… C’est peut-être ce qui explique que dans le cercle étroit qui entoure Sarkozy, personne n’ait vu venir l’affaire de l’Epad et d’autres bourdes… on sert au Prince des images qui le satisfont mais l’éloignent de plus en plus d’une perception directe de la réalité… et il devient de plus en plus difficile de revenir au réel… de reprendre langue avec la réalité telle qu’elle est perçue par la plupart des français…

Ainsi, ce clip UMP est si “imaginaire” qu’il devient presque inattaquable, sauf à dire que ses auteurs sont tout simplement devenus fous, ou qu’ils prennent les membres de l’UMP pour des demeurés ou des esclaves enchaînés à leur silence au fond d’une caverne…et à qui Sarkozy dirait voici la France que j’ai créée …

Et ce qui est intéressant ici c’est que cette France imaginaire est en réalité l’Amérique… Pour illustrer la réussite des réformes voulues par Sarkozy, les monteurs de l’Ump, agissant “dans l’urgence” , ont utilisé des images américaines de l’agence Getty Images, sans se soucier du fait que ces images devaient montrer, illustrer la France… Les auteurs s’en défendent en affirmant que le message n’est pas perturbé et que le propos général ne s’en trouve pas altéré, “Ce sont des images d’illustration. Elles ne dénaturent pas le message. Nous assumons totalement l’utilisation de ces images.” disent-ils, ce en quoi ils ont tout à fait raison, en tant qu’énoncé iconique, le fait que ce clip présente des images américaines ne pose pas de problème de lecture… De même que les personnes filmées sont des figurants, donc des êtres de fiction, les lieux sont aussi fictifs, n’étant pas nommés par des incrustations de texte, ils sont censés représenter la France comme un décor de cinéma est censé représenter un lieu réel… Et sur ce point, l’émission de Yann Barthès est légèrement trompeuse quand elle prête à la grand-mère évoquée plus haut le prénom de Josyane, pour renforcer l’écart entre image et réalité, alors que le clip ne dit rien à ce sujet…

Mais si cette utilisation d’images américaines ne perturbe pas le message, c’est justement parce que cet énoncé est purement fictionnel, c’est un pur travail de l’imagination, la France représentée ici ne prétend donc pas être en lien éthique avec la France réelle, c’est à ce titre que le propos peut vivre sa vie, librement, de façon autonome, loin de la réalité, puisque aucun lien éthique ne relie ces images à la réalité. Cette France là est bien fictive et les auteurs du clip l’affirment pour se dédouaner. Le monteur n’est pas ici garant d’un point de vue qui, bien que subjectif, témoignerait d’une certaine authenticité, comme c’est le cas dans le cinéma documentaire… Le clip n’appartient pas au genre documentaire, il est étranger à son éthique de vérité (fût-elle illusoire elle est au moins honnête), c’est un clip de fiction relatant des faits imaginaires, toute ressemblance avec la réalité serait fortuite… (mais il n’y a rien à craindre de ce côté-là)

En revanche, on peut à bon droit s’interroger sur le fait que des images de l’Amérique correspondent à ce point à la représentation imaginaire que les monteurs de l’UMP, désireux ici de coller au désir de Sarkozy, se font d’une France idéale. Certes, les images choisies ne sont pas éloignées de ce qu’on pourrait voir en France, pas de canyon, de gatte-ciels, de drapeaux étoilés, mais un toit photovoltaïque, une grand-mère tendre, une classe d’enfants polychromes… et dans un clip qui doit tout à la rhétorique publicitaire de Mac Donald et de Disneyland, ces images semblent appartenir à un standard international… Mais tout de même, il n’est pas anodin que ce soit justement des images américaines qui aient pu le mieux exprimer la manière dont la frange sarkozyste de l’Ump voit la France… Et en particulier ces trois questions visiblement si difficiles à illustrer à la française que sont l’écologie, la diversité et la retraite… Autant de représentations qu’il vaut mieux confier aux bons soins de la fiction hollywoodienne. La vérité des lieux français est masquée par la force du rêve d’Amérique… L’identité nationale si mal instrumentalisée par les apprentis sorciers du lepénisme soft pourrait bien s’en offusquer… Ont-ils si honte de leur oeuvre ?

Il y a là un lapsus révélateur. La France fantasmée par l’UMP est une Amérique qui se contemple au miroir de ses illusions… naiserie à tous les étages, et, quand la communication tient lieu d’action politique, cette dernière s’apparente au travail de Disneyland, l’endroit où les choses imaginaires prennent corps et s’animent…dans la fiction.

Cette France imaginaire à base d’Amérique sirupeuse est le fruit de réformes magiques dont la réalité échappe à toute représentation, mais pas à toute perception directe… et nous savons bien ce qu’il en est des retraites, des services publics, de l’université, des ouvertures dominicales, de la tolérance, de la solidarité et de l’ambiance nationale que les contributeurs du site de Besson contribuent à entretenir…

Finalement le film dit une vérité, la France devient Hollywoodienne…

On sait la fascination qu’exerce ce pays sur le président, on se souvient de cette phrase de son père : « J’aurais été vraiment fier si l’un de mes fils avait été président des Etats-Unis »  et de celle-ci de celui pour qui l’identité nationale est une question ancienne… parlant de son pamphlet antisarkozyste intitulé “l’inquiétante rupture tranquille de monsieur Sarkozy” Besson disait déjà tout :
“Ce que cet ouvrage cherche à démontrer est que non seulement, ne lui en déplaise, Nicolas Sarkozy est bien libéral, atlantiste et communautariste, mais qu’il est devenu une sorte de filiale française de la Bush Cie, un néo-conservateur américain à passeport français”…

Les monteurs du rêve de l’UMP, pressés par le temps, sujets au lapsus, nous l’ont montré malgré eux, à travers ces discrètes images américaines venues meubler notre manque d’identité nationale…

Olivier Beuvelet

illustration : entrée de Disneyland Paris, source : “le site parisien”


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S
<br /> super cette article<br /> bonne continuation<br /> <br /> <br />
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